- INTERPLANÉTAIRE (MILIEU)
- INTERPLANÉTAIRE (MILIEU)L’espace interplanétaire où se meuvent tous les corps du système solaire (Soleil, planètes, astéroïdes, comètes...) est balayé par le vent solaire. Ce vent est l’écoulement fluide d’un mélange d’électrons et d’ions (essentiellement des protons) qui s’échappe en permanence de l’atmosphère solaire à une vitesse de plusieurs centaines de kilomètres par seconde. On appelle plasma un tel mélange de particules chargées. Le plasma du vent solaire est très peu dense (moins d’une dizaine d’atomes ionisés par centimètre cube au niveau de l’orbite de la Terre); dans son état actuel, le vent solaire mettrait 1014 années à disperser toute la masse du Soleil dans l’espace interstellaire; en fait, le Soleil perd sa masse plus rapidement à cause de l’énergie lumineuse qu’il rayonne. C’est certainement à cause de cette raréfaction du plasma qu’il a fallu attendre les années cinquante pour observer et interpréter correctement les processus physiques qui s’y produisent.La recherche spatiale a permis d’observer in situ le vent solaire grâce aux sondes interplanétaires, apportant ainsi des progrès décisifs dans la connaissance de ce milieu. Le vent solaire est devenu un laboratoire de physique des plasmas: pour la première fois, les astrophysiciens ont pu observer directement un objet d’intérêt astrophysique et parfois même y conduire des expériences actives. Comme toujours, l’élargissement du champ expérimental apporte une clarification des connaissances mais aussi un lot de nouveaux problèmes à résoudre. On a mieux compris les mécanismes de l’expansion d’une atmosphère stellaire dans le vide qui l’entoure et les processus d’interaction entre le vent solaire et les environnements planétaires. Cela a conduit à une coopération entre astrophysiciens et spécialistes de la géophysique externe pour analyser les relations entre l’activité solaire et l’activité géomagnétique. La physique des plasmas raréfiés a ainsi connu des progrès sensibles. Mais bien des interrogations subsistent: sur la frontière entre le milieu interstellaire et la cavité héliosphérique occupée par du plasma d’origine solaire transporté par le vent, sur le mécanisme de pénétration du rayonnement cosmique d’origine galactique dans l’héliosphère, sur le mécanisme de chauffage de l’atmosphère solaire...Les études sur le vent solaire sont donc en plein développement. Les fondements des connaissances seront d’abord exposés, au prix de quelques simplifications, et – au risque d’être contredit par l’évolution des recherches – les questions qui apparaissent parmi les plus importantes seront ensuite évoquées.1. Les premiers indices de l’existence du vent solaireLe milieu interplanétaire est resté jusqu’au milieu des années cinquante un terme désignant l’espace entourant le système solaire. Du point de vue physique, cet espace semblait constituer une bonne réalisation du vide. Aucun frottement sur un fluide interplanétaire n’était décelable dans le mouvement des corps solides qui constituent le système solaire. La lumière zodiacale, observée dès le XVIIe siècle par Jean-Dominique Cassini, indiquait bien la présence d’une matière ténue diffusant la lumière solaire, mais cette matière semblait confinée dans un disque aplati dans le plan de l’écliptique et de dimensions faibles par rapport à celles des orbites planétaires; on sait maintenant qu’il s’agit là de micropoussières dont la dynamique est presque totalement découplée de celle du vent solaire.Les queues cométairesUn autre témoignage d’un contenu matériel de l’espace interplanétaire vient de l’observation des queues de comètes. Isaac Newton imaginait que la friction des noyaux cométaires sur un «éther» interplanétaire arrachait les constituants les plus volatils qui formaient la queue cométaire. Mais les queues des comètes s’orientent systématiquement dans une direction radiale anti-solaire. Elles ne restent donc pas tangentes à la trajectoire des comètes, ce qui serait le cas si elles frottaient sur un «éther» immobile. Un travail d’analyse systématique de la queue des comètes a été conduit par Cuno Hoffmeister dans les années quarante; ces queues cométaires sont de deux sortes qui peuvent coexister pour une même comète: les unes sont constituées de micropoussières et de molécules neutres provenant du dégazage des comètes, les autres sont constituées de matière ionisée par le rayonnement solaire. Les premières ont une structure diffuse, leur orientation est moins proche de la direction anti-solaire que celle des secondes, qui présentent des structures fines (fig. 1). Les résultats d’Hoffmeister et plus tard ceux de Ludwig F. Biermann en 1951 établirent que les queues de comètes ionisées étaient repoussées dans la direction anti-solaire par un écoulement de plasma (actif électriquement) s’échappant continuement du Soleil à des vitesses proches de 1 000 km/s; les queues de comètes neutres au contraire sont repoussées moins efficacement par la seule pression de radiation et sont insensibles au vent solaire (fig. 2).Les relations Soleil-TerreEn 1859, le physicien Richard Christopher Carrington fut le premier à relier l’observation d’une éruption solaire intense et l’apparition, seize heures plus tard, d’une forte tempête géomagnétique accompagnée d’aurores polaires intenses. L’idée de relations éventuelles entre l’activité solaire et l’activité géomagnétique a été reçue avec prudence sinon avec méfiance par les milieux scientifiques: beaucoup y voyaient de simples coïncidences. Il fallut des séries d’observations solaires et géomagnétiques suffisamment longues et précises pour que les corrélations soient admises. Et, à la suite des travaux de Olaf Birkeland (1903), de Sydney Chapman et V. C. A. Ferraro (1930-1941) et de Julius Bartels (1949), il apparut clairement qu’une émission corpusculaire du Soleil parcourait l’espace interplanétaire et venait perturber l’environnement terrestre. Ces études ne permettaient pourtant pas de se prononcer sur l’aspect continu ou non de cette émission corpusculaire ni sur ce qui se passait hors du plan de l’écliptique.L’étude du rayonnement cosmique fut également, dans la première moitié du XXe siècle, à l’origine d’interrogations sur l’émission corpusculaire du Soleil. Il apparut que le flux du rayonnement cosmique d’origine galactique était modulé dans le temps en relation avec les variations de l’activité solaire. De grands événements éruptifs sur le Soleil étaient suivis par ce qu’on appela la décroissance Forbush du rayonnement cosmique. Là encore, on interpréta ce phénomène comme le signe de l’expansion dans le milieu interplanétaire de jets corpusculaires d’origine solaire barrant le passage au rayonnement cosmique d’origine galactique.2. Le mécanisme d’expansion du vent solaireL’idée d’une extension de l’atmosphère solaire jusqu’à l’orbite terrestre était donc en gestation dans les années cinquante mais les physiciens ne disposaient pas d’une interprétation théorique de ce phénomène; par ailleurs les données quantitatives sur les paramètres du fluide en expansion, sur l’aspect continu ou non du processus étaient bien maigres. Les résultats de l’analyse des queues cométaires étaient les plus décisifs et fournissaient même la preuve que l’expansion était quasi stationnaire puisque toutes les queues de comètes ionisées, quelle que soit leur trajectoire, étaient repoussées dans la direction anti-solaire.Les premiers modèles théoriques d’une atmosphère solaire relativement froide s’évaporant dans le vide ne pouvaient pas conduire aux vitesses d’expansion déduites des observations; ils n’en devinrent capables qu’après la prise en compte d’un fait observationnel important: le Soleil est enveloppé d’une couronne portée à plus d’un million de degrés. Ce fait était établi par la détection optique de raies d’éléments ionisés ne pouvant exister qu’à de très hautes températures et par la mesure des émissions radio du Soleil qui marquèrent les débuts de la radioastronomie. À deux millions de degrés tout le matériau coronal est ionisé; ce plasma de protons et d’électrons peut s’échapper plus facilement du champ d’attraction gravitationnel qu’un gaz neutre. En effet, les électrons, très légers, ont des vitesses d’agitation thermique très élevées (plus de 5 000 km/s) et tendent à s’extraire de l’atmosphère solaire; mais, comme celle-ci ne peut pas se charger électriquement de façon perpétuelle, il se crée par séparation de charges un champ électrique qui couple les mouvements des protons et des électrons. De ce fait la vitesse de libération du champ d’attraction solaire est plus faible pour un proton que pour un atome d’hydrogène neutre: les protons sont en quelque sorte entraînés par les électrons.Un pas décisif dans la modélisation de l’expansion du plasma coronal fut franchi par Eugene Parker en 1958. Le fondement de son modèle consiste à comparer la dynamique du vent solaire (baptisé ainsi par Parker) à l’écoulement d’un fluide dans une tuyère de fusée. Pour obtenir un écoulement supersonique à la sortie d’une tuyère, il faut schématiquement trois ingrédients: une chambre de combustion où le fluide est porté à une très haute température, des parois qui résistent aux très hautes pressions auxquelles se trouve porté le fluide, un trou qui ouvre cette chambre de combustion sur un espace où la pression résiduelle est très inférieure à celle régnant dans la chambre de combustion. Alors, le fluide s’échappe par le trou de la tuyère à des vitesses supersoniques. La couronne solaire est le siège du même processus: le plasma coronal est porté à très haute température par un processus de chauffage sur lequel nous reviendrons; le champ d’attraction gravitationnel du Soleil joue le rôle des parois d’une chambre de combustion en contraignant le plasma à se maintenir dans la couronne sous une forte pression; dans l’espace interplanétaire en revanche, il règne une pression résiduelle très faible. À partir d’une certaine altitude dans la couronne le plasma chaud a une vitesse d’agitation thermique égale à la vitesse de libération et ce seuil critique est équivalent au trou ménagé dans la chambre de combustion. Au-dessus de cette altitude le plasma solaire se déplace à des vitesses supersoniques suivant une direction radiale.Le modèle de Parker fut contesté, mais en 1959 les sondes Luna 1, 2 et 3 détectèrent in situ le flux du vent solaire et, à partir de 1961, Explorer 10 puis Mariner 2 fournirent des mesures continues de ce vent solaire qui, dans les grandes lignes, confirmèrent le modèle théorique de Parker.3. Le développement des observationsÀ partir des années soixante, physiciens solaires, géophysiciens externes et physiciens des plasmas de laboratoire ont associé leurs efforts dans l’étude du vent solaire. Des programmes d’observations coordonnées ont été mis en œuvre, associant moyens au sol et moyens spatiaux. Au sol les interféromètres et les spectrographes radio permettent de suivre les sursauts radio solaires qui nous renseignent sur les manifestations de l’activité solaire dans la couronne à la base du vent solaire; la lumière diffusée par les électrons coronaux peut être distinguée de celle qui est diffusée par les micropoussières grâce à des mesures de polarisation derrière les coronographes ou lors des éclipses (fig. 3). Il est ainsi possible de voir les structures coronales entraînées par le vent solaire jusqu’à des distances de 4 à 8 rayons solaires. Les spectrographes X ou ultraviolet, embarqués sur satellites pour s’affranchir de l’écran constitué par l’atmosphére terrestre, permettent d’observer directement la matière coronale soit dans des raies d’atomes fortement ionisés, soit par le rayonnement thermique, et de détecter les inhomogénéités coronales qui modulent l’expansion du vent solaire.L’observation in situ a permis de déterminer les caractéristiques moyennes de ce plasma, résumées dans le tableau. Avec des moyens de diagnostic sophistiqués, le vent solaire a été ausculté depuis 0,3 u.a. (1 unité astronomique = distance Terre-Soleil) jusqu’à plus de 50 u.a.; lancée en 1990, la sonde Ulysse est sortie du plan de l’écliptique en 1992, après un survol de Jupiter, afin d’étudier le vent solaire au-dessus des régions polaires du Soleil, en 1994 (pôle Sud) et 1995 (pôle Nord).Les sondes interplanétaires voient passer, à des vitesses comprises entre 300 et 1 000 km/s, un plasma raréfié et très turbulent. Il faut donc pousser à l’extrême la précision et la rapidité d’acquisition des instruments de mesure. Les détecteurs de particules chargées mesurent la fonction de distribution des vitesses des particules dans les trois directions de l’espace en près d’une seconde. Les trois composantes du champ magnétique sont fournies par les magnétomètres en quelques millisecondes avec une précision du dixième de 塚(1 塚 = 10-9 T). Les composantes des champs électriques sont mesurées avec une précision du dixième de millivolt par mètre. Les récepteurs radioélectriques étudient les champs électromagnétiques depuis quelques hertz jusqu’à plusieurs mégahertz. Pour analyser le rayonnement des atomes neutres d’origine interstellaire qui pénètrent dans l’héliosphère, on utilise des cellules à absorption d’hydrogène ou d’hélium qui, embarquées sur des engins spatiaux, peuvent observer sans être «polluées» par les émissions des éléments neutres de l’atmosphère terrestre. Enfin, le rayonnement cosmique d’origine solaire ou galactique est étudié avec des détecteurs de particules haute énergie depuis quelques kiloélectronvolts jusqu’à plusieurs gigaélectronvolts.4. Les perturbations du milieu interplanétaireÀ partir de toutes les mesures in situ faites au voisinage du plan de l’écliptique, il a été possible de dresser un tableau cohérent des phénomènes qui interviennent dans le vent solaire. Ses propriétés fluctuent dans le temps et dans l’espace. Par exemple sa vitesse d’expansion peut varier de 300 à 1 000 km/s en liaison avec les inhomogénéités coronales ou avec les éruptions solaires. On a pu démontrer que les flux les plus rapides du vent solaire étaient issus des trous coronaux, structures qui ont été identifiées sur les clichés en rayons X du Soleil (fig. 4). Le plasma coronal est si peu dense, dans ces régions où le champ magnétique solaire s’ouvre sur l’espace interplanétaire, que l’émission X n’est pas détectable, alors que le plasma emmagasiné dans des structures coronales magnétiques fermées rend le reste de la couronne solaire particulièrement lumineux. La vitesse du vent solaire dans l’espace interplanétaire se trouve donc modulée suivant que l’on se trouve ou non au-dessus d’un trou coronal. Dans le plan de l’écliptique, ces zones de flux rapide ou lent s’interpénètrent du fait de la rotation du Soleil. En effet, au-dessus du point critique de libération, l’expansion supersonique du vent se fait de façon radiale dans le repère d’inertie; du fait de la rotation du Soleil (période de 27 jours), des flux ayant leur source en des points différents de la zone équatoriale solaire vont se trouver en déplacement sur la même direction radiale à des vitesses différentes. Les flux rapides rattrapent les flux lents et ces «collisions» hydrodynamiques vont donner naissance à des chocs interplanétaires lorsque les différences de vitesse d’expansion seront supersoniques. De plus, comme la source de ces modulations de vitesse réside dans des inhomogénéités coronales qui peuvent se maintenir plusieurs mois, les chocs ainsi provoqués viendront perturber tous les 27 jours un même point de l’espace interplanétaire. C’est ainsi que s’explique schématiquement la récurrence de certaines perturbations géomagnétiques.D’autres chocs et perturbations interplanétaires sont liés directement à des éruptions solaires ou à des phénomènes solaires transitoires moins spectaculaires. Le milieu interplanétaire se trouve alors perturbé temporairement. La vitesse du vent solaire peut alors atteindre et dépasser 1 000 km/s. Sous la pression accrue de ce flux, la cavité magnétosphérique peut être considérablement perturbée et l’on assiste à des perturbations géomagnétiques et à des aurores polaires particulièrement intenses.5. Le rôle du champ magnétiqueLe fait que le vent solaire soit un plasma raréfié confère au champ magnétique un rôle important. Les collisions entre particules chargées sont infiniment peu probables et les phénomènes dissipatifs sont donc négligeables; le libre parcours moyen des particules est voisin de l’unité astronomique. Il s’ensuit que les charges électriques du plasma s’enroulent suivant un mouvement hélicoïdal autour des lignes de force du champ magnétique; la conductivité électrique étant quasiment infinie, les phénomènes d’induction compensent instantanément toute variation du flux magnétique. Cela se traduit par le gel du champ magnétique dans le plasma: tout mouvement de la matière s’accompagne d’un mouvement des lignes de force qui la supportent et inversement. Les lignes de force sont entraînées par le plasma dans l’expansion du vent solaire au-dessus des trous coronaux; en revanche, lorsque les structures magnétiques coronales sont refermées sur le Soleil, le plasma s’y trouve piégé. C’est ce phénomène magnétohydrodynamique qui est à l’origine de la structure spirale du champ magnétique interplanétaire. En effet, une ligne de force enracinée dans la couronne solaire se trouverait entraînée radialement en l’absence de rotation du Soleil; en fait, l’expansion du plasma interplanétaire est radiale dans un repère d’inertie au-delà du point critique de libération, tandis que la racine de la ligne de force est entraînée par la corotation solaire du plasma coronal; les lignes de force s’enroulent donc en spirale dans le plan de l’écliptique (fig. 5). Elles restent radiales dans les régions polaires du Soleil qui sont proches de l’axe de rotation. Parker avait prédit cette structure qui s’est trouvée confirmée par les observations. Le champ magnétique interplanétaire fait en moyenne un angle de 45o avec la direction du Soleil au niveau de l’orbite terrestre. Ces lignes de force du champ interplanétaire guident les particules ionisées de haute énergie; cela explique que les rayons cosmiques d’origine solaire, émis lors des éruptions, soient transmis avec des flux plus intenses en direction de la Terre lorsque le centre éruptif se trouve sur la partie ouest de la surface visible du Soleil. Dans ces cas, un tube de force magnétique interplanétaire peut guider directement les particules de haute énergie depuis la région éruptive jusqu’à l’environnement terrestre.Un autre aspect du champ magnétique interplanétaire a intrigué les observateurs: quand le Soleil est calme, ce champ s’organise dans le plan de l’écliptique en secteurs de polarité constante qui persistent pendant plusieurs rotations solaires alors qu’en période d’activité cette structure se complique. On schématise la situation en considérant qu’au premier ordre il existe un champ magnétique dipolaire général du Soleil. Ses lignes de force sont soufflées vers l’extérieur par le vent, formant au voisinage du plan équatorial une lame neutre de part et d’autre de laquelle le champ s’inverse (fig. 6). Les zones polaires sont surmontées par des trous coronaux, sources essentielles du vent solaire. Les lignes de force de ces régions s’ouvrent sur le milieu interplanétaire. À chaque cycle d’activité, la polarité du champ général dipolaire s’inverse. En fait cela ne se fait pas instantanément; au cours de l’évolution du cycle les trous coronaux polaires se déforment et s’étendent vers des latitudes plus basses. La nappe neutre séparant les zones de polarités inverses se déforme alors comme une jupe de ballerine (fig. 7). Une sonde interplanétaire, voyageant dans l’écliptique, verra alors une inversion du champ magnétique lors de chaque traversée de cette nappe. Cette structure en secteurs ne devrait être observable qu’au voisinage de l’écliptique et devrait disparaître dans les hautes latitudes. Il faut toutefois noter que, si ce modèle représente bien les phénomènes observés, il n’a pas encore reçu un support théorique suffisant.6. La turbulence dans le vent solaireLa description fluide ou magnétohydrodynamique de l’écoulement du vent solaire que nous venons de présenter est largement idéalisée: elle ne serait valable que si le libre parcours moyen des particules était inférieur aux dimensions des structures formées dans l’écoulement. Un des points les plus discutés du modèle de Parker fut précisément que les libres parcours moyens dans le milieu interplanétaire sont de l’ordre de 1 u.a. alors qu’il existe dans le vent solaire des structures de dimensions beaucoup plus faibles, par exemple les chocs qui se forment en amont des atmosphères planétaires. Le caractère de ces chocs dépend de l’existence ou non d’un champ magnétique planétaire, de la nature neutre ou ionisée de l’atmosphère planétaire; mais, dans tous les cas, ils traduisent un comportement «fluide» de l’écoulement supersonique du vent solaire autour des environnements planétaires. Toutefois, autour des corps sans atmosphère et de petite dimension comme la Lune, on ne trouve plus de structure à caractère fluide: la Lune se comporte comme un obstacle bombardé sur la face côté Soleil par les particules individuelles du vent solaire; mais derrière l’autre face, c’est le vide quasi absolu. Cela montre que, pour des structures ayant la dimension de la Lune, le vent solaire se trouve à la limite entre le comportement fluide et le comportement cinétique. La réduction du libre parcours moyen des particules par rapport à la valeur de 1 unité astronomique prévue pour un tel plasma s’explique par deux raisons: d’une part, le champ magnétique interplanétaire empêche l’amplitude des mouvements transversaux de dépasser de beaucoup le rayon gyromagnétique (40 km pour les protons, 2 km pour les électrons); d’autre part, de nombreuses instabilités sont déclenchées dans ce plasma non collisionnel, qui couplent les mouvements des ions et des électrons aux ondes qu’ils sont susceptibles d’exciter. Cela conduit à une turbulence qui raccourcit efficacement le libre parcours moyen des particules chargées. Une grande partie des études théoriques et des observations faites in situ ont pour but d’analyser cette turbulence car c’est elle qui détermine le caractère des interactions du vent solaire avec les environnements planétaires, avec les queues ionisées des comètes, avec le rayonnement cosmique solaire ou galactique et avec le milieu interstellaire.7. Les problèmes à résoudreLes interfaces entre la couronne et le vent solaire d’une part, entre le milieu interstellaire et le vent solaire d’autre part, sont source de nombreuses questions d’un intérêt général pour l’astrophysique car elles concernent pour le premier cas le problème de la perte de masse des étoiles, pour le second le problème de l’évolution du milieu interstellaire. Le modèle de Parker a besoin d’un mécanisme de chauffage dans la couronne. On a longtemps pensé qu’il s’agissait du déferlement et de la dissipation d’ondes de choc engendrées à la base de l’atmosphère solaire par la turbulence de la région convective dont témoigne la granulation solaire photosphérique, mais il n’a pas encore été possible d’observer le transfert d’énergie mécanique entre la photosphère et la couronne. Il semble désormais certain que les microstructures du champ magnétique, visibles dans la chromosphère, jouent un rôle décisif dans le chauffage coronal mais nous ne disposons d’aucun modèle cohérent de ce transfert d’énergie. L’étude du chauffage et de l’accélération du vent solaire dans la couronne est rendue d’autant plus difficile que les trous coronaux qui semblent fournir l’essentiel du flux du vent solaire résistent à tout diagnostic observationnel au niveau coronal du fait de la raréfaction du plasma.D’autre part, on ignore à quelle distance se trouve la limite de l’héliosphère, c’est-à-dire l’interface avec le milieu interstellaire, et quelle est sa structure. Les sondes ont détecté l’expansion du vent solaire jusqu’à plus de 50 u.a. L’hydrogène et l’hélium neutres interstellaires pénètrent dans l’héliosphère presque sans voir le plasma, car les collisions sont rares et les neutres ignorent les champs magnétiques et électriques qui couplent électrons et ions dans l’expansion du vent solaire. La mesure des raies de résonance des neutres interstellaires nous a renseigné sur la vitesse de l’héliosphère par rapport au milieu interstellaire proche (20 km/s). Mais nous ignorons si l’interface avec le gaz interstellaire est totalement diffus, du fait des rares collisions subies par les neutres, ou si un choc sépare une composante ionisée et magnétisée du milieu interstellaire et le plasma du vent solaire.De même, on ignore comment le rayonnement cosmique galactique pénètre et diffuse dans la cavité héliosphérique. Une composante anormale du rayonnement cosmique a été détectée par les mesures d’abondances effectuées dans le vent solaire. Les éléments He, N, O, Ne semblent exceptionnellement abondants dans le domaine d’énergie 10 MeV/nucléon. Cela pourrait être le résultat de la conversion des éléments neutres interstellaires en éléments ionisés une fois par échange de charge à la suite de collision avec le plasma du vent solaire, suivie d’une accélération par les perturbations qui parcourent l’héliosphère. Pour comprendre en détail de tels processus, il est nécessaire d’obtenir des mesures du rayonnement cosmique en de nombreux points de l’héliosphère, en particulier lors de l’écliptique. Il est également nécessaire d’améliorer la théorie de la diffusion de ce rayonnement dans l’écoulement turbulent du vent solaire. Ce problème est d’un intérêt général pour l’astrophysique car tout ce qui touche à l’analyse des abondances, au transfert du rayonnement cosmique est relié au problème de l’évolution du milieu interstellaire, donc à l’évolution de la Galaxie.
Encyclopédie Universelle. 2012.